On va dire que je ne
prends aucun risque, que je ne m'occupe que de valeurs sûres (pire : que je
suis un rétrograde, peut-être même certains emploieront-ils l'affreux terme
"puriste"), mais il faut bien l'avouer, moi j'aime quand y'a du vieux son !
Alors me voilà qui me raboule avec ma compil' de Little Willie John sous le
bras, et de clamer haut et fort que décidément le label Ace gagne à être
considéré d'utilité publique, et ses disques à être remboursés par la Sécu
(ça ferait quand même du bien à mes finances). Enfin bon, au moins je ne me
ferai pas traiter de guitariste (c'est vrai jusque là je fais des efforts).
Allez, je vous parle du disque. Courez l'acheter !!!!!! Ce disque est une
thérapie, un remède contre le mal de vivre et bien d'autres vilaines choses
encore. Si la voix du Petit Willie ne vous fait pas frissonner de bien être,
c'est que vous n'avez plus de sensibilité ou que vous êtes mort. Ce type
remuerait les tripes d'un grizzly en chantant Bécassine tant sa voix est pure.
Comme le titre l'indique cette compilation regroupe les premières faces de
Willie, enregistrées à la fin des années cinquante pour le label rhythm 'n'
blues de Cincinnati : King. Le personnel derrière notre homme est de premier
choix puisqu'on retrouve des pointures telles que Mickey Baker à la guitare ou
encore Panama Francis à la batterie et j'en passe… Les morceaux sont tous des
perles et beaucoup ont été repris par des artistes d'horizons différents (Little
Milton, Peggy Lee, Elmore James, James Brown, Little Johnny Taylor…). Je ne
vais pas faire un compte-rendu de chaque titre (manque de place), mais sachez
juste que tout est bon, très bon même.
Little Willie John
est mort en prison après avoir été condamné pour avoir poignardé un homme
pendant une altercation. Aujourd'hui son nom est assez méconnu du grand public
et c'est bien dommage car son œuvre (trop courte) mérite vraiment toute notre
attention.
WYNONIE HARRIS : Rockin' The Blues > Properbox 20
Ladies and gentlemen, let me
introduce to you "Mr Blues" himself, j'ai nommé, Wynonie Harris !
Ha, en voilà un coffret qu'il est joli ! Là
vraiment je me fais plaisir, car l'occasion m'est donnée de parler d'un de mes
"blues shouters" préférés et par la même occasion de ce jeune label anglais
qui est en train de casser la baraque (et les prix), Proper. Commençons par ce
dernier. C'est très simple, chez moi je croule sous les coffrets Proper, je ne
résiste pas, quand je les vois je craque, je me demande d'ailleurs si je ne
vais pas devoir suivre une cure de désintoxication tant la situation devient
alarmante. Non, franchement c'est la classe ! Une série de coffrets quatre
Cd's avec un super livret, tout ça pour moins de deux cents balles, moi j'en
redemande. D'autant plus qu'au niveau présentation ça en jette ! Leur
catalogue, pour l'instant plus accès sur le jazz et le jump blues, s'étend
jusqu'à la country (Bob Wills & les Texas Playboys, Hank Williams…), le doo
wop, le gospel, le rhythm 'n' blues New Orleans et même les origines du ska.
De quoi étendre ses horizons musicaux à moindre frais. Et le catalogue ne
cesse de s'élargir. Affaire à suivre…
Le coffret Wynonie Harris contient, quand à
lui, l'intégrale du bonhomme de ses débuts (1944) jusqu'en 1951, autant dire
l'essentiel. Plus de vingt morceaux par CD, de quoi frôler l'overdose. Mais
pas de soucis, parce que quand "Mr Blues" pousse la chansonnette, le temps
défile curieusement plus vite et quand on sait qu'il est accompagné au fil des
plages par les orchestres de Lucky Millinder ou encore Illinois Jacquet, on
peut parier sans risque que ça va swinguer sous le soleil. Bon vivant,
séducteur averti et gros poch'tron incurable, Wynonie Harris chante chaque
blues comme si c'était son dernier. Certes, son registre ne fait pas trop dans
la variété et peut-être trouverez-vous que tout a tendance à un peu se
ressembler, mais quand c'est bon on ne boude pas son bonheur. Alors
accrochez-vous pour quatre heures de blues Shouting avec, le petit frère de
Big Joe Turner, grand oncle de Jimmy Witherspoon, "Mr Blues" himself : Wynonie
Harris !
: Anthony Stelmaszack
Découvert en 1959 par Alan Lomax, alors qu’il avait cinquante ans largement révolus, Fred McDowell bénéficie en 1967 d’une relative notoriété due notamment aux enregistrements effectués par Chris Strachwitz et Pete Welding respectivement pour les labels Arhoolie et Testament. Cette reconnaissance bien que tardive lui permet de se produire sur les scènes de nombreux festivals aux États-Unis et en Europe (il participera en 1965 à l’American Folk Blues Festival). Malgré tout, les cachets et les royalties ne suffisent pas encore pour survivre, et Fred passe encore la plupart de son temps à travailler dans une station service à Como, Mississipi. C’est dans ce contexte, que ce fait la rencontre avec Georges Mitchell. Très enthousiaste à l’idée de l’enregistrement McDowell insiste pour que Johnny Woods, son vieux pote et véritable légende locale, l’accompagne à l’harmonica. Bien que les deux hommes ne se soient pas vus depuis huit ans, Fred à entendu dire que Johnny était de retour en ville, et après moult péripéties ils finissent par mettre la main sur l’insaisissable Johnny Woods. Ensemble, il investissent le shotgun shack le plus proche, Mitchell positionne l’unique micro au centre de la pièce et rembobine le Magnecord. McDowell en profite pour donner quelques dernières instructions à Woods pendant qu’ils s’installent face à face de parts et d’autres du microphone. Puis, nos deux acolytes se lancent dans l’une des plus poignantes sessions jamais enregistrées. Shake Em’ On Down !! Et déjà les veines exsangues du visage de Fred sont sur le point d’exploser, tandis que la salive jaillit de l’harmonica de Johnny. Le Blues est là, baisse la lumière, monte le volume !! il est là j’te dis ! Bon sang, il est partout !! Malgré qu’ils n’aient joué ensemble depuis huit ans l’osmose est parfaite, chaque rythmique de Fred est admirablement accentuée par l’harmo de Johnny, les solos de slide sont intuitifs et fulgurants, le chant incantatoire, la voix gorgée de soul de Mississipi Fred McDowell vous fout le système pileux à la verticale ! Le plancher en bois du shotgun shack tremble et menace de céder à chaque instant sous les coups de talons des deux musiciens ! Re zo re (*) !! Le répertoire de McDowell est revisité, "Goin' Away", "Standing At The Back Door", "Long Haired Doney"… et même un surprenant "I Got A Woman". Dans sa quintessence, primitive, sauvage et intemporelle, le voilà sans aucun doute, c’est bien lui, le Blues !
(*) Prononcer : ré zo ré, trop c’est trop en Breton