HOSEA HARGROVE : "Tex Golden Nugget" - Dialtone Records (2010)

Dialtone poursuit son œuvre salvatrice en faisant rentrer Hosea Hargrove en studio douze ans après son dernier disque sur Fedora. La recette appliquée avec Lil Joe Washington fonctionne encore ici. Prenez un artiste qui a vécu (Hosea est né en 1929 et a appris son blues à la dure), adjoignez-lui un orchestre aussi professionnel que capable de suivre les errements de quelqu'un qui s'est construit tout seul et n'a plus rien à apprendre aujourd'hui, et vous obtenez un mélange délicieux et efficace de tradition et de modernisme, qui transcende les originaux et les reprises (dont un Years Go Passing By aussi blues qu'inattendu), en donnant à l'ensemble un sacré swing. Negro Down en ouverture ou Boog A Loo illustrent parfaitement la capacité des accompagnateurs (Scoot Chester, g ; Jason Moeller, dms ; Mike Keller, bs ; Nick Conelly, kbd) à suivre un leader autonome, lui laisser toute la place pour s'exprimer, tout en resserrant les boulons juste ce qu'il faut pour que ça balance, respire, touche au coeur. Grâce à ça, Dialtone s'inscrit sans peine parmi les faiseurs de beau son, comme Fedora en son temps, ou Electro-Fi depuis. Hosea Hargrove compose et reprend dans un éventail de styles, du blues terrien texan à l'électrique vigoureux, avec des pointes funk ou cocktail, d'autant plus impressionnant que rien ne semble forcé ni hors de propos. La voix est celle d'un homme âgé mais elle reste présente, juste, maîtrisée, c'est à un vrai chanteur que nous avons affaire. Une réussite.
http://www.dialtonerecords.com/

: Christophe MOUROT
 





REVEREND K.M. WILLIAMS : "When I Rise" - Dialtone Records (2010)

Chapeau à large bord, guitare à boite à cigares et manche à balai, son distordu, le Révérend K.M. Williams est-il un coup marketing ou un trésor caché ? La deuxième option s'impose quand on se rend compte, presque honteux, que K.M. Williams a plus de vingt disques à son actif, qu'il aurait appris la guitare avec Elmore James, qu'il a joué avec Little Milton, Robert Lockwood, les Holmes Brothers, et qu'il a tourné en Europe avec Mavis Staples. Mieux vaut tard que jamais et ce disque sera une révélation ou une confirmation, dans tous les cas un des meilleurs de 2010. Chant véhément et implorant à la fois, voix puissante dotée d'un vibrato de bon aloi, rythmes hypnotiques, riffs qui ne le sont pas moins, slide omniprésente, percussions primitives (Washboard Jackson), accompagnateur à tout faire (Hash Brown, g, hca), chœurs en appoint (délicieux contraste entre la rude voix du révérend et la fraicheur de celles des deux choristes) qui nous font rentrer directement dans l'église, répertoire sans frontière entre le blues et le gospel (comme le dit le Révérend lui-même : "Le blues pose des questions sur la vie, le gospel donne les réponses"), c'est le disque qu'on attend depuis toujours, celui qui rassemble tout le monde. Le message est clair : l'espoir est là. Chapeau bas !
http://www.dialtonerecords.com/

: Christophe MOUROT


DR JOHN & THE LOWER 911 : "Tribal" - Proper Records (2010)

Doctor John (soixante dix ans) est un génie touche-à-tout, c’est un euphémisme le concernant. Son œuvre discographique conséquente (vingt-sept albums) ne dénote ni point faible ni faute de goût, et a souvent atteint des sommets. L’album que vous tiendrez bientôt en mains en est un, sans doute son plus bel effort depuis dix ans et "Duke Elegant" consacré à l’œuvre d’Ellington. Ici, il faut laisser ses œillères au vestiaire et accepter d’entrer sans résister dans l’univers de la Nouvelle-Orléans, ville multiculturelle teintée de mille influences, mais racinienne en diable. Aucun ouragan ne viendra jamais à bout de la richesse culturelle d’une ville telle que N.O., et Mac Rebennack en est de longue date l’un des fleurons.
Tribal nous offre un voyage de plus d’une heure au sein de musiques sœurs, celles qui caractérisent le son si particulier de la ville : blues, jazz, soul, funk teintés de voodoo music… On démarre en chaloupé, tout en volutes de piano lazy, avec Feel good Music. Le tempo ralentit encore pour un retenu Lissen At Our Prayer où les violons et les chœurs sont de la partie… un délice ! Enfin arrive Big Gap, et l’auditeur retient son souffle. Les ivoires rebondissent sur la basse de David Barard, l’intro trompeuse amène à un funk paresseux… et on cède la place à l’un des zéniths du disque, le percussif When I’m Right (I’m Wrong). Herman Ernest III, qui assure partout la batterie, partage les percussions avec Kenneth "Afro" Williams qui n’usurpe pas son pseudonyme. On a l’impression d’un classique à l’écoute de Change of heart ! Le titre éponyme fait appel aux bons sorciers vaudous, les incantations s’y superposent à une orchestration riche en suspense et en intensité dramatique… Only In America, bossa en diable, est carrossé comme un tube en puissance. Scroungin’ roule comme un titre de James Booker ou du Prof Longhair enrichi au funk-blues d’un Freddie King – la guitare de John Fohl n’est y pas pour rien… Il y a en tout seize pépites à déguster et à se resservir frais !
Enregistré et mixé à N.O., masterisé à N.Y.C., "Tribal" est un nirvana de la musique américaine dont il ne serait pas sage de se priver…
http://www.iwelcom.tv/proper-records.htm

: Marc LOISON

SOPHIE KAY & PANAM' EXPRESS : "Old-Orléans" - Self-Released (2010) 

De tous les concerts vus à Cognac Blues Passions, et ils sont nombreux, quelques-uns, enchanteurs, restent dans les mémoires. Ceux de Sophie Kay, il y a quelques années, en sont. Quel régal et quelle surprise de découvrir alors ce mariage inédit de cette voix gouailleuse, de ce chant en français fortement influencé par la chanson réaliste des années quarante et du blues appuyé par la guitare virevoltante et incroyablement inventive de Little Victor. Après "Rengaines" en 2001 puis "Blues De Paname" en 2007, Sophie Kay nous revient sur disque  avec un album subtilement titré "Old-Orléans" dont elle a composé la totalité du répertoire. Little Victor n'est plus guère présent que sur deux pièces et c'est Sophie elle-même qui fait le boulot à la six cordes. Une dizaine d'autres musiciens l'assistent dont on ne citera que les sections rythmiques qui se partagent la tâche : Thibaut Chopin et Simon Boyer d'une part ; Renaud Cans et Rockin' Lucky Lobillo d'autre part. Alors même que la musique n'oublie jamais le blues, les textes sont succulents et on se délecte dès ce J'ai chaud qui respire la moiteur ou le superbe Tu Peux M'oublier en duo avec Laura Mayne (Native) et avec l'harmo de Little Victor. La tension monte avec C Noël puis La Dèche, un de mes moments favoris. Quel plaisir d'écouter les textes de La Fièvre Acheteuse ou encore le très chouette et émouvant On M'appelle Madame. Mais on atteint peut-être les sommets avec le remarquable Zoltan au texte vraiment fort et à la musique non moins poignante. Sans conteste, un très beau disque.
http://www.myspace.com/sophiekaymusic

: Luc BRUNOT
 

 

RAOUL FICEL : "Qui A Tué Robert Johnson ?" - Tempo (2010) 

Il est des albums qui ont la couenne raide ! Enregistré en trio roots il y a quelques années et prêt à être envoyé sous presse, "Faut Qu’on Sème" ne verra jamais le jour. Quelques uns de ses titres apparaitront sur "Nenette Boogie", l’album du Raoul Ficel one man band réalisé à Fribourg, chez et par JC Bovard, chanteur harmoniciste suisse et vieux complice de Raoul qui ont accompagné ensemble - entre autres - Louisiana Red et Big Time Sarah en tournée. Il aura fallu patienter jusqu’en 2010 pour voir apparaître dans les bacs ce "Qui A Tué Robert Johnson ?", enregistré en groupe sous la houlette de son mentor et ami Lenny Lafargue.
A la première écoute, les fans de Raoul pourront être un peu désarçonnés par cet album tout en français et aux sonorités moins "vintage", l’une de ses marques de fabrique. Résolument plus urbain et électrique tout en restant fidèle aux racines, Raoul Ficel offre un album sincère qui démarre sur les chapeaux de roues avec un Ficel Boogie décoiffant, signé Lenny Lafargue. La quasi totalité du répertoire provient de l’album resté inédit, mid-tempos, slow blues et boogie, certains titres et paroles ayant été légèrement modifiés ; tels Faut Qu’On S’Aime et Qui A Tué Robert Johnson ? (Faut Qu’J’Parte sur "Nenette Boogie", où le blues s’exprime à la première personne). L’ensemble est de haute facture, l’écriture des textes est soignée ; scénettes de la vie quotidienne, amour, illusions et désillusions, boulot, heures sup’ et boissons alcoolisées... Anti guitar-hero, Raoul y
développe davantage ses soli de guitare, sans fioritures inutiles, tout en finesse et avec un feeling éclatant. Le duet avec Lenny sur Tout Seul est particulièrement savoureux. L’album se clôt sur un retour aux sources africaines avec Combien De Temps ?, voyage magique guidé par le jeu de oud de Mustafa Harfi, l’un des maîtres de l’instrument, le résonator en bois de Raoul, sur fond de percus.
Si on ne sait toujours pas qui a tué Robert Johnson, on sait que le nouveau Raoul Ficel est arrivé !
http://www.myspace.com/raoulficel

: Jean-Pierre SAVOUYAUD
             


ALABAMA MIKE : "Tailor Made Blues" - Jukehouse (2010)

Alabama Mike nous prend par surprise avec un deuxième album très varié, nettement démarqué de l'approche monostyle du formidable "Day To Day". Le groupe de musiciens est le même et on retrouve quelques plages de blues à ras de terre, avec moins de slide toutefois. Intelligemment, Alabama Mike colore sa palette de sonorités nouvelles en évolution douce. Une place plus grande est laissée aux instruments autres que la guitare, des cuivres font leur apparition, quelques ambiances sont plus intimistes (la ballade acoustique I'm Gone) et trois titres soul, qui rompent l'unité du disque, montrent une autre possibilité d'évolution. Mais les pigments de base sont là, rythmique et guitares imparables, variations des rythmes, référence constante à l'âge d'or des années 50, ambiance poisseuse, parfois dramatique, et chant expressif. Chanteur non instrumentiste, Alabama Mike se doit de s'imposer par le chant et il y arrive sans peine avec une des meilleurs voix apparues récemment, toujours bien posée, expressive, rauque, tour à tour mélodieuse et aboyée, douce et forte, rythmée par des intonations et coups de gorge justement dosés. Au risque de véhiculer un cliché, il faut remarquer que les meilleurs chanteurs d'aujourd'hui restent ceux qui ont commencé à l'église. Ce deuxième disque réussi montre qu'Alabama Mike n'était pas un coup marketing mais un artiste d'avenir dont on attendra le prochain opus avec impatience.
http://alabamamikeblues.net/

: Christophe MOUROT
 


 

JIMMIE VAUGHAN : "Plays Blues, Ballads & Favorites" - Proper Records (2010)


Malgré sa participation aux deux derniers excellents albums d’Omar Kent Dykes pour Ruf Records, on était restés sur notre faim : pas de disque de Jimmie Vaughan depuis le splendide "Do You Get The Blues" de… 2001 ! Alors après neuf ans, la récompense est au bout de l’attente. Dans cette galette jubilatoire et témoin à quinze titres de son amour pour les sonorités fifties, il y va de bon cœur et – avec sa femme Lou Ann Barton sur six morceaux – réunit ce que le blues d’Austin offre de meilleur côté sidemen. Batterie : George Rains. Basse : Ronnie James. Hammond B3 : Bill Willis (ou Mike Flanigan). Guitares : Jimmie Vaughan règne en maître, attaquant la six cordes comme à l’accoutumée, sans fioritures, en jeu simple et puissant de précision, au note à note. Il ne concède à Billy Pitman qu’un titre en tant que rythmicien dans How Can You Be So Mean de Johnny Ace et ne laisse à Derek O’Brien qu’un accessit pour Just A Little Bit de Roscoe Gordon. Ajoutons une flopée de cuivres pour saupoudrer le tout, et pas des moins connus : Greg Piccolo (sax tenor) ou Mark " Kaz" Kazanoff (sax baryton). Petite parenthèse pour Ephraim Owens (trompette), l’apparemment moins renommé de la bande : originaire de Dallas, trompettiste depuis l’âge de huit ans, il est arrivé à Austin en 1994 et a joué avec Erykah Badu, Dirty Dozen Brass Band et Roy Hargrove, mais aussi Seth Walker. Il apparaît en outre dans le film "Before The Music Dies" (2006) avec Bonnie Raitt, Elvis Costello et Eric Clapton… entre autres. Il a toute sa place ici.
Jimmie Vaughan se fait plaisir à nous entraîner dans cette flopée de classiques signés Jimmy Reed, Billy "The Kid" Emerson, Charlie Rich, Ted Taylor, Roy Milton, Guitar Junior, Willie Nelson ou Little Richard… Une seule compo émerge : Comin’ & Goin’, terrible instrumental jump-blues, rapide et drivé à la perfection, avec juste ce qu’il faut de riffs cuivrés au détour des mesures et de cymbales bien frappées. Un petit régal ! La consistance, le dynamisme, la joie dégagée par ces cinquante-et-une minutes de "Blues, Ballads And Favorites" sont bien capables de faire réviser le jugement de ceux qui ne jurent que par les compositions au détriment des covers. Celles-ci sont magistrales et, même si on connaît les talents de compositeur de Jimmie Vaughan - même s’il n’aura jusque là pas été prolifique - on peut rapidement se laisser prendre au jeu de ce génie de la guitare. Aux antipodes des guitar-heroes qui se revendiquent de l’héritage de son frère disparu il y a déjà vingt ans, Jimmie sert toujours une musique fidèle, rajeunie et réjouissante.
What else ?...
http://www.jimmievaughan.com/

 

: Marc LOISON

 

DAVE RILEY & BOB CORRITORE : "Lucky To Be Living" - Blue Witch Records (2009) 

Suite logique du "Travelin The Dirt Road" paru en Novembre 2007, premier CD de ce duo qui était fait pour se rencontrer, "Lucky To Be Living" vient prouver que la distance qui sépare le torride désert d'Arizona aux boues saumâtres du Mississippi ne pourrait briser l'amitié qui lit Dave Riley à Bob Corritore...
Si le premier album du duo fortement épaulé par foule de musicien fut largement récompensé par divers Awards Internationaux sur la planète bleue, ce nouvel effort pourrait bien suivre le même chemin. La recette parait pourtant si simple : de blues du Delta, un point c'est tout ! Adieu fioritures qui ont grandies avec le blues, exit les overdubs trop souvent utilisés par la jeune (et néanmoins talentueuse le plus souvent) génération. Adieu Chicago, Detroit, New Orleans ou San Francisco, Bonjour MISSISSIPPI ! Il n'est pas si grand ce petit bout de terrain planqué de l'autre côté de la grande mare, entre Clarksdale et Jackson qui a vu naître le blues. Il est né de pères et de mères inconnues, et si Dave Riley en revendique naturellement la filiation, Bob Corritore en est devenu un Parrain des plus légitimes.
On peut le certifier sans craintes, la relation musicale qui soude les deux leaders est avant tout amicale pour ne pas dire fraternelle. Si l'on rajoute quelques "guests" comme le pianiste Henry Gray ou les "amis proches" du Rhythm Room All Stars, on imagine difficilement un résultat différent de l'excellence.
Sur les dix pistes du CD dont quatre compos personnelles de Riley, le blues est ici joué de la façon la plus âpre, la plus grasse et la plus rugueuse qui soient, les protagonistes de l'affaire passant tour à tour de la main de fer au gant de velours, à la façon de gourous résolus à nous faire prêter serment de façon irrémédiable à La Cause du Blues. L'ensemble est d'une incroyable cohésion, pour preuve le rire généreux et complice de Riley à l'endroit de Corritore sur Back Down The Dirt Road. L'album débute par un vibrant hommage du Mississippien à ses amis du groupe du Delta, les JERRY ROLL KING, formé par Franck Frost (1936-1999), qu'il affecte du quolibet de "meilleur ami", John Weston (1927-2005) et Sam Carr (1926-2009) qui a malheureusement rejoint les deux autres au Père Eternel.
Entre l'élégance légendaire de Bob Corritore et la rugosité sudiste de Dave Riley, on assiste à de véritables joutes harmoniques, l'harmonica du premier répondant à la guitare du second de façon aussi naturelle que déroutante. Quoi qu'il en soit, si les nos larrons sont "Chanceux de Vivre" cette aventure, les acquéreurs de ce CD seront pour leur part "Heureux de Partager" ces Tranches de Blues dans la pure tradition des Juke Joints à l'américaine...
http://bluewitchrecords.com/

: Xavier BOULANGER
 




 

VERNON RAY HARRINGTON : "West Side Blues" - Atomic H² Records (2009) 

Trente ans de carrière à Chicago et un premier disque en 2009 seulement, saluons cet effet pervers qui fait de la disparition des grands noms une opportunité pour les "seconds couteaux" d'apparaître à la lumière. Rien de péjoratif dans cette appellation, juste le constat que Vernon Ray Harrington et ses pairs n'ont pas le niveau des maîtres du genre. Ce ne sont pas non plus des amateurs et le contexte actuel permet de réévaluer leur œuvre et leur importance. Des artistes comme Big Leon Brooks, Lefty Dizz, Johnny Dollar, DC Bellamy, Johnny Yard Dog Jones et Vernon Ray Harrington ont leur place dans l'histoire du blues. Leur côté obscur, soldat du blues, exempt de fioritures, respectueux des fondamentaux, est justement la garantie d'un blues authentique. Vernon fait partie de la grande famille Harrington au sein de laquelle on compte Eddie Clearwater, Carey Bell et ses fils. Son oncle, propriétaire de Atomic H Records, invite un soir Magic Sam à venir jouer à la maison et Vernon ne s'en remettra pas. C'est le top départ pour trente ans au service du blues, dans les clubs, les festivals, sur les routes, avec Willie Kent, Lovie Lee, les Sons Of Blues, et diverses formules du Chicago Blues Festival. Sur ce premier disque, Joe Harrington à la basse, Tony Bagdy à la guitare, Kevin Ford à l'orgue, Matt Nischan à la batterie, connaissent leur affaire, et Vernon, chant et guitare, peut se laisser aller avec quatre bons originaux et six reprises, qu'on aurait aimé plus aventureuses. Bien en place au chant, Vernon est incisif à la guitare avec quelques beaux passages rappelant ses influences, particulièrement celle de Magic Sam. Billy Branch est invité sur trois titres. Production sobre, très beau son de guitare, rythmique millésimée, le feeling est là, on se croirait au pied de la scène. Une très belle production.
http://www.myspace.com/vernonharringtontheatomicbluesband

: Christophe MOUROT
 

BIG DADDY WILSON : "Love Is The Key" - Ruf Records (2009) 

Big Daddy Wilson Blount est né il y a près de cinquante ans à Edenton, une bourgade de Caroline du Nord… Les hasards de la vie et surtout le désir d’échapper à une vie trop modeste l’ont conduit à s’engager dans l’US Army, peu après avoir quitté l’école à seize ans… Après avoir surmonté le mal du pays et fini par retourner Outre-Rhin à l’issue de permissions pleines de doute, il y a rencontré la gretchen qui allait devenir sa femme. Bon et le blues dans tout ça me direz-vous ? Eh bien, Wilson n’en avait pratiquement jamais entendu parler jusqu’à un âge déjà avancé… Un peu de gospel à l’église, de la country à la radio, mais de la musique du Diable que nenni ! Une entorse fatale à nos idées reçues…
C’est donc au pays des Nibelungen que ce colosse s’est forgé un moral de vainqueur… La découverte de la musique de ses racines est même parvenue à lui faire surmonter sa timidité naturelle… Pour un coup d’essai cet album est une belle réussite et l’amour d’Helga en est la clé… Big Daddy y raconte Wilson Blount sans tapage et sans détour.. Tout commence par le chaloupé Country Boy chanté en duo avec Eric Bibb, devenu son héros, son inspirateur et en même temps son ange gardien… Si Jazzy Rose est sans mystère, le reggae qu’on croyait voir surgir d’un titre comme Keep Your Faith In Jah, ne vient qu’avec le lancinant Dreaming, juste après Hard Days Work, le titre le plus appuyé et le plus électrique d’un album au feeling en général plutôt unplugged.
Walk A Mile In My Shoes n’est pas le classique de Joe South, mais un blues très inspiré - comme d’ailleurs le titre éponyme Love Is The Key  - et dans la veine du Help Me de Sonny Boy Williamson ou reparaît Eric Bibb. J’ignore si en Allemagne tout finit par des slows mais c’est sur le très émouvant et ‘soulful’ Waiting On You que Daddy referme ce disque dont il a écrit la totalité des textes et la plupart des musiques, aux bons soins du bassiste et co-producteur Ollie Gee et des musiciens de sa ‘Connection’.
http://www.bigdaddywilsonb.de/

: Dominique LAGARDE
 

MISSY ANDERSEN : "Missy Andersen" - Main Squeeze Records (2009) 

A défaut d’être une lointaine descendante du fameux Hans-Christian aux 164 contes, Missy Andersen est-elle en route pour devenir la nouvelle petite sirène du port de Copenhague où ce CD a été enregistré ? Missy naît à Detroit avant que sa famille ne quitte la Motorcity pour le Queens. C’est là qu’elle débute sa formation musicale, encouragée par des parents férus de blues, soul, rhythm’n’blues, gospel et jazz. Mais Missy appartient plutôt à la génération rap et son premier single Be For Real paru sous le nom de Denyce "Flip" Isaac est à classer dans ce domaine. Un morceau dont l’audience reste confidentielle malgré l’occasion qu’il lui donne de faire les premières parties de Cissy Houston. C’est un nouveau déménagement vers San Diego à la fin des années 90 qui va décider de son "recentrage" vers le blues, Missy devient membre des Juke Joint Jezebels puis de Tell Mama.
Ce premier album révèle une voix robuste et directe, plutôt portée vers les chansons à poigne, ancrée dans la veine soul blues du Memphis des années 70. I Can’t Stand The Rain, Same Old Blues et une reprise efficace du Ace Of Spades de O.V. Wright, sont là pour en témoigner. D’autres adaptations comme Tell Mama ou Little By Little laissent la part belle à la guitare et à l’orgue. Moins utilisé, Pack It Up emprunté à Gene Chandler donne en douceur dans le heavy funk, puis il y a deux originaux, New Feet et Stand Up And Dance, le titre le plus blues et sans doute aussi le plus réussi de l’album avec le Dobro de Nathan James. On regrettera malgré tout la durée un peu courte de ce CD de huit chansons, produit par le guitariste Heine Andersen, mais l’orchestre constitué de musiciens du cru assure avec sobriété. Missy a encore besoin de prendre de l’assurance en studio, de s’imposer plus fermement à l’orchestre mais c’est une artiste à suivre.
http://www.missyandersen.com/

: Dominique LAGARDE
 

JESSE DEE : "Bittersweet Batch" - Munich Records (2009) 

Le carnet d’adresses des néo-soul brothers and sisters se remplit de jour en jour. Après Eli "Paperboy" Reed et Raphael Saadiq plébiscités en l’espace de quelques semaines - et pour ne citer que les plus connus - voici un nouvel aspirant fort prometteur… en espérant qu’il n’ait pas jeté toutes ses cartes dès ce premier album.
Jesse Dee est un jeune touche à tout bostonien que ses études ont porté aussi bien vers le dessin que le spectacle, les médias ou la production…Il s’est déjà fait connaître au sein du big band Decifunk sur la côte, puis au sein des Sea Monsters un groupe paraît-il très prisé des clubs de la même façade.
Les douze chansons originales de ce premier album font entendre un orchestre bien soudé au son très mat et un chanteur plein de feeling à la voix et aux mélodies sinueuses presque impossibles à karaoker… Difficile de le rapprocher d’un interprète en particulier sinon peut-être Bobby Womack pour le côté écorché (ou aigre-doux, d’ailleurs c’est dans le titre) ou Al Green dont il a assuré des premières parties.
Aucunement nostalgique la musique conjugue les premières années de la soul music, celle fraîchement débarquée du doo-wop et du rhythm’n’blues, avec le jazz new orleans, le funk voir le teenage rock début 60’s…B on allez y comprendre quelque chose ! Un indice peut-être : selon sa bio, Jesse Dee se délecte à l’écoute des Moonglows, Miracles, Flamingoes et autres illustrateurs prestigieux des groupes vocaux façon Chess Records.
Il n’hésite pas de toute manière à donner autant d’importance aux ballades qu’au titres plus musclés avec de belles réussites comme Over & Over Again, Yet To Come ou New Blade Of Grass, conscient que le public actuel de la soul et les critiques (au moins en France !) jugent de plus en plus un chanteur sur sa capacité à interpréter les chansons lentes…Une inversion de tendance alors qu’il n’y a pas si longtemps encore, le ritmenblouz, chez nous y valait mieux que ça chauffe !
Pour les titres uptempo, dès Alright Jesse Dee donne le ton avec classe fait presque dans le dixieland avec Slowdown ou My Two Feet, dans le déstructuré sur Reap What You Sow et balance un Alive And Kickin’ déchaîné en fin de parcours. Graphiste aussi Jesse Dee laisse filtrer son côté Art School sur la pochette volontairement énigmatique quant au contenu et qui doit vous encourager à pousser plus loin la curiosité.
http://www.myspace.com/jessedee

: Dominique LAGARDE
 



ALABAMA SLIM : "Blue & Lonesome" - Music Maker (2010)

Deuxième disque du néo-orléanais chez Music Maker, avec du blues sous influences multiples. On cite souvent le lien fort entre le swamp blues et la musique de Jimmy Reed mais il en existe un autre avec celle de John Lee Hooker. Il suffit d'écouter des compilations comme "Bloodstains On The Wall" (ACE CDCHD 576) pour se rendre compte des similarités entre le blues de la Louisiane et celui développé par l'homme qui a inscrit Detroit sur la carte du blues. C'est un peu cette synthèse qu'on entend ici grâce à Alabama Slim en leader et Little Freddie King à la rythmique. Mais c'est surtout une séance reposante d'authentique blues à ras de terre, joué et chanté sans ostentation. La formule musicale dépouillée privilégie la justesse et l'émotion, les notes bleues oui, l'esbroufe non. Le chant est posé, la voix est mâle, le ton est celui du conteur, imposant le respect et l'écoute attentive. Le vécu et la personnalité d'Alabama Slim font que ses reprises sont quasiment aussi originales que ses compositions personnelles. L'ambiance intimiste est heureusement contrebalancée par quelques titres avec batterie et basse, comme sur l'entrainant I Love My Guitar. Certains artistes publiés par Music Maker peuvent paraître mineurs, ce n'est pas le cas avec Alabama Slim.
http://www.musicmaker.org/artists_profile/Alabama-Slim

: Christophe MOUROT
 



 

PURA FE : "Full Moon Rising" - DixieFrog Records (2009) 

Le virage électrique pris par Pura  Fé sur cet album peut il susciter une nouvelle querelle entre anciens et modernes, entre classiques et romantiques, digne de la bataille d’Hernani, ou plus près de nous des propos acerbes prêtés aux folkeux lorsque Bob Dylan mystifia son monde dans le vacarme de Newport il y a tout juste… quarante-cinq ans ? Sans doute non, mais il est toujours amusant et instructif de lire dans les notes de pochette que cette transition de l’acoustique à l’électrique puisse provoquer des cas de conscience tant chez les musiciens que chez leurs fans.
Cela dit ce troisième CD de l’indienne Tuscarora ne ressemble que de très loin à un bon Motorhead et l’électricité en question jaillit surtout par bribes, sur des rythmes trip-hop voir de manière délibérée sur l’énergique Borders parcouru d’effets de guitare wah-wah. Pour le reste on dira que l’entourage musical y est plus fourni que par le passé et cela donne une réussite incontestable, à la fois différente, et dans le prolongement des exercices précédents. Sur le fond, Pura Fé convoque avec toujours autant de ferveur l’esprit des ancêtres et sa voix incantatoire n’en finit pas de résonner dans nos mémoires, qu’elle chante en anglais, en espagnol ou en langue Cree.
The Condor Meets The Eagle un titre plus ancien, enregistré en 1993 est présenté comme la plus emblématique de ces chansons à la résonance sociale appuyée.
http://www.myspace.com/purafe

: Dominique LAGARDE
 

MIGHTY MO RODGERS : "Dispatches From The Moon" - DixieFrog Records (2009) 

Après la guerre de Sécession  dans "Redneck Blues", Mighty Mo Rodgers nous relate en musique un autre évènement – moins dramatique – de l’histoire des Etats-Unis : l’arrivée de l’homme sur la lune ! En fait "Dispatches From The Moon" est écrit comme le prolongement d’un blues de Howlin’Wolf  enregistré en 1973 Coon On The Moon dans lequel le vieux loup prophétise la conquête de l’espace par un "nègre". Original, au bas mot. D’autant qu’ on se retrouve ici branché sur la première radio à émettre depuis la lune avec un DJ black aux manettes.
Comme le raconte dans les notes du livret Sébastien Danchin, coordinateur de l’album, Mighty Mo n’y est pas allé par quatre chemins pour entrer dans la science fiction. Tant qu’à franchir les années lumière, il a pris le plus court, et s’est retrouvé sur la planète de nos nuits - avec l’onction de Barack Obama - pour y observer tout ce qui ne marche pas sur notre terre et en faire le rapport en quatre exemplaires. Gageons qu’un sale petit brouillard a du lui gâcher la vue au moment d’épier le sommet de Copenhague.
A part ça le voyage éclair n’a pas fatigué notre homme qui chante d’une façon toujours aussi émouvante et habitée. Ce concept album tout empreint de positivisme ne retrouve peut-être pas la verve créatrice de "Blues In My Wailin’ Wall", mais l’ensemble est solide, et l’enthousiasme qu’il communique à son petit orchestre, intact, au long de compositions gorgées de blues ou de soul, entrecoupées de messages spatiaux, comme le magnifique Tomorrow Isn’t Promised . Qu’il est doux d’avoir fait ses classes d’auteur compositeur chez Motown…
Tiens Mighty Mo a même retrouvé là-haut Michael Jackson en train de faire le Moonwalk et peut-être quelques belles lunaires que l’on ne saurait quitter si rapidement. Europe, Afrique, Asie, Maison Blanche chacun en prend un peu pour son grade mais l’humour et la tendresse finissent par l’emporter autour d’un comptoir de bar, "là où l’on résout tous les problèmes". A propos vous voulez  son adresse ? Elle se trouve quelque part au delà d’un cratère, mais ne la diffusez pas trop autour de vous, ces terriens sont si envahissants…
http://www.mightymorodgers.com/

: Dominique LAGARDE
 

JOE LOUIS WALKER : "Between A Rock And The Blues" - DixieFrog Records (2009) 

Dans les années 90, certains avaient prédit quelques soucis à Joe Louis Walker devant l'avalanche de ses sorties discographiques. Ils ne s'étaient pas trompés et depuis quelques années la production de celui qui est une des vedettes contemporaines du blues mais dont la verve se tarissait, était devenue assez indigente. "Witness To The Blues" sorti en 2008 semblait marquer le début de la sortie du tunnel ce que confirme, on ne peut plus brillamment, ce "Between A Rock And The Blues", à mon sens son meilleur opus depuis le fantastique "Blues Survivor" de 1993. Le style, la production ne sont certes pas les mêmes mais ce qui réunit dans la réussite ces deux disques, c'est l'inspiration. Comme pour son CD précédent, la production est confiée à Duke Robillard qui s'abstient en revanche (sauf sur un titre) de jouer de la guitare. Parmi la solide équipe de musiciens, on remarque la présence de Bruce Katz aux claviers, l'utilisation ponctuelle de saxophones et d'un trombone ainsi que l'intervention à l'harmonica de Sugar Ray Norcia. Dommage que l'album s'ouvre sur un I'm Tide bourrin et une guitare trop rock. L'aventure démarre vraiment avec Eyes Like A Cat qui nous entraine irrésistiblement. Le son est bien plus rugueux qu'à l'époque Verve mais le grand souffle du blues est là et c'est un enchantement presque tout le long de ce disque varié agrémentant son blues de soul, de jazz, de swing mais aussi d'une bonne dose de rock. Way Too Expensive et I've Been Down figurent parmi les sommets du disque mais le meilleur moment on le doit au long slow blues Hallways sur lequel chant de Joe Louis fait merveille. Veillez à ranger soigneusement ce CD à portée de votre mange disque, en compagnie du "Blues Survivor" et du "Live At Slim's, Volume 2".
http://joelouiswalker.com/

: Luc BRUNOT


BACK